Un Jeu d'Enfants~ [Mission 1 : Arrivée Parc (22h)]

Le premier à être arrivé sur le terrain de jeu, ce fut l'employé immobilier.


Après la panique engendrée par son transfert, et une fois qu'il se rendait compte qu'il était toujours bel et bien vivant comme entier, le jeune homme essoufflé à la barbichette entreprit d'observer son nouvel environnement. Impossible de se situer par rapport au centre-ville même, mais n'importe qui au premier coup d'oeil comprendrait que ce n'était qu'un petit coin rural sans grand intérêt. Pas de supérette, pas d'animation, juste le bruit électrique des câbles suspendus aux poteaux, comme des grillons timides.
Sans grand intérêt, à une exception près. Ichiro repéra par là la lueur violacée d'un distributeur qui diffusait sa lumière au loin, un peu à l'écart du parc. Immédiatement, cela lui rappela sa soif antérieure, son envie de thé vert, sa mésaventure avec le dernier distributeur avant sa...
Avant sa mort ? Fausse mort.
Avant tout ça.
Et il se rendit compte qu'il avait encore envie de ça. Terriblement.
Sa gorge était sèche, et pourtant la simple idée de déguster un rafraîchissement qui l'avait tant frustré suffisait à lui humidifier les lèvres et à passer pour un signe de la providence. Comme hypnotisé, il commença à s'avancer lentement en direction du distributeur.

- Hum ?

Derrière lui, un bruit. Il se retourna lentement, et constata à moitié surpris qu'une autre personne était transférée. Sa taille, ses cheveux, sa tenue... C'était la fille geignarde et méfiante de la Chambre. Ichiro s'arrêta en observant le processus, les mains dans les poches et sa valise sous le coude.


Lorsque la jeune athlète arriva, ce fut plus terrorisée que jamais. Une fois entière, en pleurs, elle s'effondra à genoux en poussant un cri à briser le coeur. Elle était visiblement à bout.

- Aaah... aaah, c'est l'enfer !! pleurait-elle les mains sur ses joues.

Par bonne conscience, et obligation, Ichiro rebroussa chemin pour aller la consoler. Sans y aller au pas de course, il trottina vers elle pour s'accroupir à ses côtés. Pas besoin qu'elle fasse un vacarme... Si les résidents venaient à sortir de chez eux et s'inquiéter de la situation, tout lui retomberait dessus, forcément. Et il n'aurait rien de convaincant à dire pour expliquer cette histoire sans queue ni tête...

- Oï, oï, du calme, ça va aller, je suis là aussi. déclara-t-il en lui posant une main hésitante sur l'épaule.

Cette dernière releva la tête, stupéfaite, les joues imbibées de larmes. Elle sanglotait malgré elle, et dévisageait l'employé à ses côtés. Ce n'était pas un visage vraiment connu, et même loin de ce qu'elle aurait pu attendre en guise de réconfort dans un moment pareil, mais revoir une personne de cette maudite chambre, après ce transfert traumatisant, c'était néanmoins une forme soulagement . Alors que Ichiro, embêté, se grattait l'oreille avec un doigt en soupirant, Haruko reprenait son calme, observant sans comprendre le décor sous leurs yeux. Un parc.

- Qu'est-ce qu'on fait ici, maintenant... ?

Face à cette interrogation, l'homme ne put que soupirer davantage en haussant les épaules. Toute supposition valait bien les siennes. Mais un nouveau transfert vint interrompre la discussion, apparaissant sur la droite la silhouette du vieil homme.



Relativement calme, il se tourna vers eux, puis son regard fatigué balaya les environs. Dehors. Ils étaient dehors. Enfin ! L'air frais emplit ses poumons. Bien qu'il ignorait tout de sa position, il esquissa un semblant de sourire. Il allait pouvoir retourner au bureau, et finir son devoir. Enfin. Encore faudrait-il retrouver le chemin... Mais toute peine valait mieux qu'être enfermé avec un cadavre pour un jeu saugrenu. Matsumoto reporta son attention sur les jeunes gens accroupis non loin de lui, et les observa sans mot dire. Qui y'avait-il encore à dire... ? Fallait-il s'étonner de l'endroit ? De leur moyen de locomotion futuriste invraisemblable ? De leur situation maintes fois débattue au cours de cette longue soirée ? Non. Tout ça était futile, à présent, ils étaient dehors. Libres.

Alors, à terre, saucissonné, apparaissait à présent Komaeda Kazuka dans la fraîcheur de la nuit, vêtu de son costume sale, et sa valise saisie derrière le dos. Un bien piètre spectacle pour un si grand homme.

A moitié surpris par le fait qu'il venait d'être transporté par cette sphère noire dans un nouveau lieu, un lieu en plein air, un parc pour enfant apparemment, Kazuka prit tout juste la peine de regarder autour de lui pour être sur que personne ne sans prenne à lui.
L'homme en costume bleu était occupé à consoler l'adolescente tandis que le vieil homme les observait l'air stoïque. Il remarqua également la présence d'immeubles autours d'eux, étaient-ils encore à Tokyo ?

**Pas de temps à perdre.**

Ravalant momentanément sa dignité au privilège de sa propre survie, Kazuka serrant encore la valise se contorsionna pour de manière à pouvoir atteindre avec ses dents les cravates qui étaient nouées autours de ses genoux.

Ils se trouvaient dans un parc. Même si Ange n'avait jamais cru qu'on les ait emmenés dans un lieu clos, demandé de tuer un alien et proposé de les équiper pour ensuite les tuer en les faisant "disparaître", elle non plus ne savait pas du tout ce qui les attendait.

Comme ils n'étaient à priori pas encore en danger, si danger il y avait vraiment, la petite française entreprenait une action toute simple : elle inspectait en quelque sorte l'arme qu'elle tenait toujours à ce moment précis, c'est-à-dire le genre de fusil au design toujours aussi futuriste, et toujours aussi inutile ? Chaque chose en son temps.

La jeune femme commençait par examiner attentivement l'arrière de l'arme en la pointant vers un banc public. Elle regarderait ensuite le degré de sensibilité de la gâchette, étant donné que la blonde ignorait que ce fusil était doté en fait de deux gâchettes.

En tout cas, la lycéenne n'accordait pas le moindre regard à l'assassin. S'il voulait qu'on le libère, il n'avait qu'à le demander avec un minimum de politesse.

[Examine le X-Shotgun]

L'une après l'autre, les apparitions se succédaient. Bientôt, le groupe de la Chambre serait à nouveau complet. Dans l'indifférence, une autre tête toute ronde et massive se dessinait dans l'espace. Tremblant en boule au beau milieu de la rue, le plus peureux du groupe était arrivé.


Ce dernier mit un moment avant de se rendre compte de la situation. Ce fut sans doute la brise nocturne, qui en soufflant sur eux le fit frissonner à cause de la moitié de ses vêtements encore humides, et lui indiquer qu'ils étaient désormais dehors. Péniblement, Kawahama se risqua à ouvrir les paupières, et les discussions alentours jusqu'alors camouflées par ses mains moites redevinrent audibles maintenant qu'il les dégageait de ses oreilles. Toujours accroupi, le jeune homme singulier se tourna lentement pour observer incrédule son environnement.

- O... on est... toujours vi... vants... murmura-t-il pour lui-même.

À quelques pas seulement, l'effrayant meurtrier toujours ligoté se contorsionnait comme un diable pour tenter de défaire ses liens... avec ses dents. Terrifié par la scène, Kawahama se redressa et recula en poussant un cri des plus particuliers, ce qui attira l'attention des autres.  

Alors, ils virent également la scène pittoresque du grand Kazuka Komaeda, impuissant et préférant risquer de s'abîmer les vertèbres que de se tenir à carreau et s'excuser pour demander de l'aide. La seconde option était sans doute la plus déshonorable pour lui, au vu du personnage... Même s'il arrivait par souplesse à atteindre le lien, impossible que ses dents viennent à bout du tissu si facilement. Il avait peut-être le surnom de "Requin Blanc" mais il n'en avait certainement pas la dentition - et heureusement.

- Il essaie de détacher... déclara Ichiro sans conviction, toujours accroupi et regardant à présent le vieil homme comme pour consulter sa sagesse.

Celui-ci ne s'émouvait pas pour autant. Il se contenta de secouer la tête avant de déclarer.

- Cette plaisanterie a assez durée. Je retourne au bureau. Je trouverais un poste de police en chemin et leur expliquerai toute la situation pour qu'ils viennent ici faire le nécessaire.

Ne sachant pas quoi répliquer à cela, Ichiro demeura muet face à cette décision. Comment ce vieil homme pouvait-il encore avoir son travail en tête dans une situation pareille... ? Ainsi, Matsumoto commença à faire demi-tour et à marcher en direction du distributeur, tandis que la française examinait son arme de son côté. Au même moment, Kokutou Nakoshi apparaissait en tranches au milieu de tous, juste devant l'entrée du parc.

Lentement, le chômeur louche apparaissait lui aussi dans son accoutrement noir. Non, pas la tenue de la Chambre. Celle de son quotidien. La sobriété. Et malgré qu'il arriva au milieu de tous, il n'attira pas l'attention plus que nécessaire. S'il était resté silencieux dans la pièce après ses multiples interventions, c'était pour ne pas jeter de l'huile sur le feu. Il avait bien compris le petit jeu de Komaeda Kazuka, et bien que ça l'avait démangé de répliquer pour le remettre à sa place encore et encore, Kokutou s'était contenté d'observer les réactions de chacun et de réfléchir.

Néanmoins lorsqu'il apparut, et qu'il vit le "terrible" Requin se tortiller pour essayer de grignoter sa cravate, il pouffa avec autant de retenue que possible à son égard. Il n'était pas non plus du genre à afficher sa moquerie, mais il ne pouvait pas non plus nier que voir cet arrogant suprême se démener de la sorte dans la crasse d'un trottoir, c'était une belle justice. Plutôt que de se gausser de la situation, il se mit à observer la leur. La brise d'Été leur caressait le visage. Devant, un parc. Tout autour, des habitations. C'était calme. Ils étaient dehors. À l'extérieur. Mais libres pour autant ? Il ne le croyait pas...
Tout le monde n'était pas encore arrivé. Il croisa le regard de la jeune fille impertinente qui l'avait traitée auparavant. Ça lui restait toujours en travers de la gorge, cependant leur dernière altercation l'avait secouée. Même s'il ne la portait pas en son coeur suite à ses accusations désobligeantes envers sa personne, il n'était pas non plus une âme insensible aux pleurs d'une femme. Pour autant, s'il avait bredouillé quelques mots, il avait été pris de court et impuissant face à leur sort précédemment.

Kokutou détourna les yeux, qui rencontrèrent le début d'un nouveau transfert. Les deux lycéens, apparemment. Encore une fois, il était stupéfait par cette méthode de "livraison". C'était à peine croyable. Alors qu'il était partiellement absorbé par le processus, un autre phénomène attira son attention. Du coin de l'oeil, il repéra une silhouette s'éloigner du groupe. Il reporta alors son regard dans cette direction, et se rendit compte qu'il s'agissait du vieil homme avec qui il avait partagé le thé. Immédiatement, il s'approcha de la jeune femme accroupie et de l'homme à la barbichette pour les interroger.

"Mais enfin, où va-t-il ?"

Ichiro se tourna vers son interlocuteur, bien que toujours accroupi auprès de Haruko.

- Hum ? Oh. Il a dit qu'il partait. Il a aussi dit qu'il allait prévenur la police, quelque chose comme ça.

Kokutou était désemparé.

"Quoi ?? C'est imprudent de se séparer ! Monsieur, revenez !"

Il tenta vainement de le rappeler, mais Matsumoto ne daigna même pas se retourner. Sa conviction semblait être plus forte que les appels d'un étranger. Pour une obscure raison, Kokutou ressentait en son for intérieur un étrange malaise. Il ne pouvait pas forcer ce vieil homme à rester avec eux, mais sa conscience lui disait en même temps de faire quelque chose. Il ne savait pas pourquoi, mais il prenait très au sérieux depuis le début "ce jeu", comme se plaisaient à dire les deux ados. En parlant de ces derniers, ils étaient livrés en un seul morceau.


Échangeant un regard, Shiroyan et Ikkun firent pareil que la troupe à leur arrivée. Observer leur nouvel environnement. Un sourcil levé, l'otaku, pistolet en mains, semblait perdu.

- C'est quoi c'tte merde encore ?! Un parc ?! s'exclama le grand blond à ses côtés.

- Un parc... répéta instinctivement Ikuto.

Outre le fait qu'ils avaient vécu l'accident les ayant amené dans cette mystérieuse Chambre dans un parc, il y avait quelque chose d'autre. Quelque chose d'étrange. Comme un souvenir. Ikuto se creusa la tête, puis se rappela tout à coup.

- Ah ! Mais oui, les parcs ! L'alien !
- Aah ?! Bordel qu'est-ce tu racontes ?!
- Tu ne te souviens pas ? C'était écrit sur sa fiche !

Ikuto faisait bien entendu référence aux annotations à côté du portrait de l'alien que la sphère avait affichée. Même si les informations données semblaient anodines, l'otaku les avait mémorisé en partie. Ce n'était pas un hasard s'ils étaient là, dehors. Devant un parc. Ça faisait sens en tout cas. Leur fameuse cible était sans doute là-dedans !

- Hein ? T'as re'tnu cette merde toi ?! Eh ben... T'es bien un putain d'otaku... grommela le délinquant, fusil à l'épaule.

Alors que Ikuto regardait les autres pour voir ou chacun était et faisait, une autre pensée foudroya son esprit. En un instant, il ressortit son téléphone portable pour vérifier l'état du réseau. Il se doutait déjà de la réponse, mais...

- Tss... Évidemment. pesta l'adolescent en rangeant l'appareil électronique dans sa poche.

"Toujours pas de réseau, n'est-ce pas ?" enchérit Kokutou. Ce dernier s'était bien douté que même dehors, la situation ne changerait pas tant que ça vis à vis de leurs restrictions. Quel intérêt de se donner tout ce mal pour les enfermer ensemble dans une pièce, si c'était pour les libérer quelques minutes après...

Enfin, Shiroyan repéra Kazuka, en train d'essayer de mâchouiller pathétiquement sa cravate pour se libérer. Lui, il ne s'empêcha pas de rigoler à gorge ouverte en le désignant de son canon.

- Hahahaha ! C'est pas Requin Blanc, c'est Caniche Blanc, là !

Tout en se moquant, Naoya repéra la valise que serrait l'homme d'affaires au plus bas de son orgueil. Il l'avait prise. Ça ne changerait pas grand chose s'il était attaché, mais une violente envie d'y asséner un grand coup de pied le démangea quelque peu.

Pendant ce temps, la grande délinquante sexuelle, Harukawa Reiko, faisait son entrée en scène. L'avant-dernière du lot.

Komaeda Kazuka était afféré à se libérer de ses chaînes de roturiers, une rage intense continuait de bouillir en lui, la boutade du blondinet n'avait pas arrangé les choses.

** Profites-en bien, tu n'auras pas d'autres occasions, quand je me serai libéré tu ne pourras pas t'en vanter de m'avoir vu ainsi. **

Requin, caniche il n'en était rien, c'était un dragon qui était emprisonné par ces êtres inférieurs, un dragon en colère, le dragon doré des Komaeda. Il ne savait plus trop qui éliminer en priorité, les responsables de cet enlèvement, ces gens qui l'avaient humilié, ces témoins gênants.

Pestant de la qualité de sa cravate, arrêta d'essayer de grignoter et de déplacer les liens, et entreprit de s'assoire sur la valise en laissant ses mains liées dans son dos pendre derrière, même si il portait encore ses gants, toucher ce sol fouler par tant de cafards le répugnait.

Il se remémora les enseignements de son art martial, inspiration, expiration, il devait mouvoir son esprit et son corps, assis en tailleur il ne bougeait plus. Si il n'arrivait pas pour le moment à défaire les liens, il en avait plus qu'assez de sa position de prisonnier, il allait faire le vide en lui pour pouvoir passer ses mains liées sous son corps et ainsi avoir plus de possibilités d'actions à sa disposition.